16 mai 2025

Rapport / L’économie de l’attention à l’ère de l’Intelligence Artificielle : un changement de paradigme pour les ventes et l’investissement

Rapport / L’économie de l’attention à l’ère de l’Intelligence Artificielle : un changement de paradigme pour les ventes et l’investissement

Rapport / L’économie de l’attention à l’ère de l’Intelligence Artificielle : un changement de paradigme pour les ventes et l’investissement

L’économie de l’attention à l’ère de l’IA

Un changement de paradigme pour les ventes, la décision et l’investissement
Rapport d’intelligence stratégique — par Patrice Giardino (2025)

Dans un monde saturé de contenus, de données et d’outils automatisés, ce n’est plus l’information qui manque — c’est la clarté.
Ce rapport explore en profondeur comment l’IA transforme nos filtres cognitifs, nos processus de vente, nos stratégies marketing et nos décisions d’investissement.

Ce que vous y trouverez :

  • Une grille de lecture stratégique sur l’attention comme levier de performance

  • Des cas concrets en B2B et en gouvernance

  • Des outils activables : score d’attention, rituels, diagnostics

  • Des pistes pour concevoir une organisation qui pense dans le bruit sans s’y perdre

Lecture recommandée pour dirigeants, responsables RevOps, investisseurs et professionnels de la transformation.




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L’économie de l’attention à l’ère de l’Intelligence Artificielle :

un changement de paradigme pour les ventes et l’investissement


Rapport d’intelligence stratégique — 2025

 
par Patrice Giardino
Consultant en stratégie, Revenue Operations & Transformation IA
















Patrice Giardino – Tous droits réservés
Rapport original rédigé en 2025.
Toute reproduction, utilisation ou diffusion sans autorisation écrite préalable est strictement interdite

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Table des matières

Introduction — L’ère de la raréfaction cognitive

• De la surinformation à la crise attentionnelle
• Trois conséquences pour les entreprises
• Ce que propose ce rapport


I — Fondements : Comprendre l’économie de l’attention

I.1 — Genèse et définitions
• Trois âges de la valeur cognitive
• Herbert Simon, Gabriel Tarde, Michael Goldhaber
• L’attention comme ressource économique

I.2 — Mutation anthropologique et cognitive
• L’attention comme filtre stratégique
• Les dérèglements attentionnels dans les organisations
• Le retour stratégique de la patience
• Interfaces, saturation, et IA

I.3 — Ce que l’IA reconfigure
• Filtrage algorithmique et prédiction cognitive
• Abondance de contenu vs rareté d’attention
• Triptyque stratégique : Attention – Intention – Interprétation


II — Applications concrètes : ventes, marketing, décision

II.1 — Pour les ventes : le pilotage de l’attention
• Mort du funnel linéaire
• Le commercial devient un architecte attentionnel
• Scoring d’attention contextuelle

II.2 — Pour le marketing : de la visibilité à la captabilité
• Captabilité > visibilité
• L’IA comme amplificateur de médiocrité ou de stratégie
• Création d’aimants attentionnels

II.3 — Pour l’investissement et la décision stratégique
• Surcharge et biais de décision
• L’Attention Nette Disponible (AND)
• Gouvernance attentionnelle dans les comités


III — Vers une gouvernance attentionnelle robuste

III.1 — L’attention comme ressource collective
• Erreurs de conception : attention ≠ focus personnel
• L’entreprise comme système attentionnel
• Pilier d’une organisation attentionnellement robuste
• Rituels de pilotage collectif

III.2 — IA et distraction automatisée
• Automatiser ≠ clarifier
• Pièges de l’agitation algorithmique
• Audit des automatismes attentionnels

III.3 — Les rôles invisibles : capteurs, ralentisseurs, curateurs
• Fonction stratégique de l’invisible
• Tableaux de rôle & leviers attentionnels


Encadrés tactiques et outils stratégiques

• Score d’Attention Stratégique (II.3)
• Audit des automatismes attentionnels (III.2)
• 5 rituels pour gouverner l’attention (III.1)
• Les 3 réflexes attentionnels des organisations qui durent (III.3)


Conclusion — L’attention comme levier stratégique


Bibliographie et ressources complémentaires


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L’économie de l’attention à l’ère de l’Intelligence Artificielle : un changement de paradigme pour les ventes et l’investissement

Patrice Giardino – Tous droits réservés



INTRODUCTION : L’ère de la raréfaction cognitive

“In a world of information overload, the scarcest resource is not knowledge — it is attention.”
Herbert Simon, 1971

Nous vivons un basculement silencieux, mais profond.
Pendant plus d’un siècle, les économies se sont structurées autour de la production, de la distribution, puis de l’accès à l’information. Celui qui possédait l'information détenait un avantage. Celui qui savait la produire ou la diffuser captait la valeur.

Mais cette ère touche à sa fin.

L’intelligence artificielle générative, les plateformes numériques, les réseaux automatisés ont rendu l'information abondante, immédiate, gratuite. Trop abondante, peut-être. Dans ce nouveau monde saturé, l’attention (cette capacité humaine à sélectionner, hiérarchiser, maintenir un focus) devient la ressource rare par excellence.

Ce n’est plus la connaissance qui manque.
C’est l’énergie pour en faire quelque chose.

C’est ce que Herbert Simon avait anticipé en 1971 : plus il y a d’informations, plus l’attention devient un goulot d’étranglement stratégique. Une idée que Michael Goldhaber prolongera dans les années 1990, en théorisant l’attention comme la nouvelle monnaie de l’économie numérique.

Aujourd’hui, l’intelligence artificielle accélère cette mutation.

Elle ne se contente pas de générer du contenu : elle redéfinit les circuits de captation, de perception et de sélection. Les algorithmes ne sont plus de simples outils d’aide. Ce sont des architectes de notre disponibilité mentale. Ils filtrent avant même que nous ne sachions ce que nous cherchons. Ils priorisent ce que nous voyons, retenons, croyons.


* Ce que cela change pour les décideurs

Dans ce monde régi par la captation attentionnelle, trois conséquences majeures émergent pour les entreprises, les vendeurs et les investisseurs :

  1. Le rapport à la valeur change. Ce n’est plus celui qui parle le plus fort qui gagne, mais celui qui retient, même brièvement, l’attention stratégique d’un client, d’un candidat, d’un investisseur.

  2. Les outils ne suffisent plus. Sans pilotage intelligent, l’IA devient une usine à bruit. Le discernement devient la compétence clé, autant que l’automatisation.

  3. L’ancien monde devient obsolète. Dans un environnement sur-stimulé, c’est la patience stratégique, la capacité à ralentir, choisir, orchestrer qui crée l’avantage.


Ce rapport propose donc un cadre d’analyse stratégique pour comprendre ce basculement, l’évaluer, et en faire un avantage compétitif :

  • En replaçant l’attention au cœur de la stratégie commerciale, du marketing et de l’investissement

  • En identifiant les risques d’une “attention volée” par l’IA non pilotée

  • Et en formulant des leviers concrets pour structurer une gouvernance de l’attention

Car il ne suffit plus de produire.
Dans ce cadre de sur-stimulation où l'on arrive plus à être patient …
… Il faut apprendre à orchestrer ce que les autres regardent, écoutent, ou laissent passer.
Et cela, dans un monde qui ne ralentira pas.


Encadré — Trois âges de la valeur cognitive

Âge

Ressource rare

Pouvoir stratégique

Exemples clés

1. Industrie (19e–20e s.)

Matière & capital

Posséder les moyens de production

Usines, chemins de fer, immobilier

2. Information (1970–2020)

Données & connaissances

Accéder, stocker, interpréter

Google, SAP, Bloomberg

3. Attention (2020–…)

Attention humaine & crédibilité

Orienter, retenir, synchroniser

TikTok, newsletters ciblées, IA fine


-> Nous sommes passés d’un monde où l’on extrayait la matière à un monde où l’on extrait l’attention.

Ce n’est plus celui qui parle le plus qui gagne. C’est celui qui sait capter, retenir, et respecter l’attention d’autrui.


I.1 Genèse et définition de l’économie de l’attention

Ce vers quoi nous portons notre attention définit ce que nous devenons capables de percevoir, de décider… et d’ignorer.

* Herbert Simon : le pionnier du déséquilibre cognitif

En 1971, dans une époque encore dominée par les grandes industries, Herbert Simon formule une intuition d’une portée révolutionnaire :

“Une richesse d’information crée une pauvreté d’attention.”

C’est une bascule silencieuse qu’il pointe du doigt.
Jusqu’alors, le pouvoir économique résidait dans l’accès à l’information : savoir plus, plus vite, mieux que les autres. Mais dans une société où l’information devient surabondante, ce n’est plus sa possession qui crée la valeur, c’est sa sélection.

L’attention, limitée par nature, devient alors le nouveau goulet d’étranglement stratégique :

  • Ce que vous ne remarquez pas n’existe pas.

  • Ce que vous ne retenez pas n’a aucun effet.

  • Ce que vous ne filtrez pas vous submerge.

Simon ne parlait pas de réseaux sociaux ni de publicité programmatique.
Il pressentait, déjà, que l’économie de demain ne serait pas fondée sur la rareté de l’offre… mais sur la saturation de la demande mentale.


* Gabriel Tarde : produire ne suffit plus, il faut faire voir

Un siècle plus tôt, Gabriel Tarde, sociologue et penseur de la modernité, abordait déjà ce renversement de logique économique.

Face à une surproduction industrielle de biens relativement similaires, l’acte économique décisif ne devient plus la fabrication… mais l’attractivité.
La valeur ne naît plus dans l’atelier, mais dans l’espace mental du consommateur.

Il faut fixer l’attention, non plus seulement livrer un produit.

Ce que Tarde entrevoit, c’est une économie où la visibilité devient performative : ce qui est vu, est acheté ; ce qui n’est pas vu, n’existe pas.

Dans cette économie de la perception, la publicité, le packaging, le storytelling deviennent des technologies de captation.

Un siècle plus tard, nous y sommes encore. Sauf que désormais, ce ne sont plus les yeux que l’on cherche à séduire, mais les flux attentionnels eux-mêmes, automatisés, prédictifs, filtrés.


* Michael Goldhaber : l’attention comme nouvelle monnaie

En 1997, Michael Goldhaber, physicien converti à l’analyse des réseaux, propose une thèse saisissante :

“L’économie numérique n’est pas une économie de l’information. C’est une économie de l’attention.”

Pourquoi ? Parce que l’information est devenue gratuite.
Créer un tweet, publier un article, générer une vidéo — tout cela coûte désormais… presque rien.
Mais ce qui coûte, c’est la capacité à faire exister ce contenu dans l’esprit de quelqu’un.

Goldhaber démontre que dans un monde où chacun peut produire, c’est la réception qui devient rare.
Et donc monnayable.

Sur Internet, ce n’est pas celui qui parle le plus qui a du pouvoir… c’est celui que les autres écoutent sans y être contraints.

Cette thèse, longtemps marginale, est aujourd’hui le socle des modèles économiques des géants numériques : Google, Facebook, TikTok… Tous vendent la même chose : des micro-fragments d’attention disponibles à l’enchère.


* Davenport & Beck : gouverner l’attention comme une ressource

Dans leur ouvrage de 2001 The Attention Economy, Thomas H. Davenport et John C. Beck franchissent une étape décisive :
Ils ne se contentent pas de théoriser. Ils proposent une gestion stratégique de l’attention au sein des entreprises.

Pour eux, l’attention est :

  • Limitée → on ne peut en créer davantage, seulement mieux l’allouer

  • Distribuée → certaines personnes ou fonctions attirent plus d’attention que d’autres

  • Monétisable → la captation attentionnelle génère des conversions, des recrutements, des décisions

  • Mesurable → par des KPI spécifiques : taux de clic, temps d’engagement, taux de conversion cognitive

Leur apport majeur : faire entrer l’attention dans les tableaux de bord de gestion, au même titre que les budgets ou la performance opérationnelle.

Ils posent une question devenue centrale pour les organisations en 2025 :

Comment orienter durablement l’attention de vos équipes, clients et décideurs dans un monde de sur-sollicitation constante ?


* Pourquoi cela nous concerne tous

Ce que ces penseurs ont détecté à travers des décennies distinctes, dans des contextes différents, converge aujourd’hui vers une évidence stratégique :

  • L’information ne suffit plus : il faut savoir , quand et comment elle est reçue

  • L’attention ne se décrète pas : elle se négocie, se capte… ou se perd

  • Ce qui n’est pas vu n’existe pas, même si c’est vrai, utile ou révolutionnaire

L’économie de l’attention, ce n’est pas un gadget conceptuel.
C’est la nouvelle infrastructure invisible qui conditionne :

  • La performance commerciale

  • La visibilité d’une marque ou d’un projet

  • La légitimité des idées et des décisions

Et à l’ère de l’IA, cette infrastructure devient automatisable, manipulable… ou gouvernable.

*** L’économie de l’attention en 5 actes :

1. Production (contenu, offre, message)
       
2. Diffusion (canal, IA, timing)
       
3. Captation (moment d’attention, clic, lecture)
       
4. Interprétation (ce que comprend l’audience)
       
5. Action (décision, engagement, rejet)
*** Cycle stratégique de l’attention :

Étape

Question stratégique à se poser

Risques si ignorée

1. Production

Que voulons-nous faire émerger dans l’esprit cible ?

Contenu pertinent mais invisible

2. Diffusion

Par quels canaux, à quel moment, sous quelle forme ?

Bruit algorithmique, timing inefficace

3. Captation

L’attention est-elle réellement retenue ?

Scroll passif, clics sans engagement

4. Interprétation

Que comprend, ressent, imagine notre cible ?

Perception erronée ou désalignée

5. Action

Quelle décision ou comportement cela déclenche ?

Aucune conversion, aucune trace tangible


-> Ce n’est pas l’acte de produire qui crée la valeur…

… c’est la capacité à guider l’attention jusqu’à une action utile.



I.2 Mutation anthropologique et cognitive


“Nous ne manquons pas de données. Nous manquons d’attention pour les relier entre elles.”
Edgar Morin (adapté)


A/ L’attention : filtre, énergie, acte stratégique

L’attention n’est pas une simple focalisation passagère.
C’est un processus cognitif fondamental par lequel nous sélectionnons ce qui mérite d’exister dans notre conscience.
C’est un filtre actif qui détermine :

  • Ce que nous voyons

  • Ce que nous comprenons

  • Ce que nous ignorons

C’est, en un mot, un acte de construction du réel.

Or dans un environnement de sur-information, ce filtre est saturé, fragilisé, sollicité sans relâche.
L’instantanéité, la dopamine des notifications, la sur-segmentation algorithmique dérèglent nos capacités à :

  • Soutenir une pensée longue

  • Maintenir un cap stratégique

  • Résister à l’urgent non essentiel

Comme le dit Tim O’Reilly, les algorithmes d’aujourd’hui ne nous “aident” pas à choisir.
Ils choisissent à notre place; en fonction de critères que nous ne maîtrisons plus toujours.


B/ La pensée fragmentée : un coût caché pour les organisations

Une entreprise, une équipe ou un individu qui ne maîtrise plus son attention, c’est :

  • Un processus de vente qui change de cible chaque semaine

  • Une stratégie RH noyée dans le bruit des tendances LinkedIn

  • Une gouvernance qui confond vitesse et clarté

C’est, comme l’analyse Leslie Thiele, une structure “attentionnellement vulnérable” :
toujours occupée, jamais alignée.

La surcharge cognitive ne crée pas l’intelligence collective.
Elle la court-circuite.


C/ Le retour stratégique de la patience

Dans ce contexte, la patience redevient une compétence stratégique.

  • Savoir différer une réponse rapide pour comprendre ce qui se joue réellement

  • Savoir écouter un client au lieu de le scorer à toute vitesse

  • Savoir ralentir face à un flux d’indicateurs pour poser les bonnes questions

La patience, ici, n’est pas lenteur inefficace.
C’est une maîtrise de l’attention dans le temps.
C’est ce que Goldhaber appelait une “attention soutenue”, celle qui crée du lien, de la transformation, de la valeur durable.


D/ IA, interfaces et saturation : une anthropologie des flux

L’irruption massive de l’IA générative aggrave cette tension :
Elle multiplie les contenus, automatise les interactions, densifie les interfaces…
Mais elle ne régule aucunement l’attention.

Un chatbot peut générer 50 réponses par minute.
Mais combien seront réellement comprises, interprétées, retenues ?

Geneviève Bell, anthropologue des technologies, rappelle que chaque interface transforme notre rapport au temps, au choix, à l’intention.
Nous ne sommes plus des utilisateurs rationnels. Nous sommes des êtres exposés à des flux de micro-choix cognitifs continus.

Et cela a un impact direct sur la stratégie :
Une organisation qui ne gouverne pas l’attention de ses collaborateurs, de ses clients, de ses investisseurs, laisse cette fonction aux plateformes.


-> Ce que cela change pour le stratège

À ce stade, l’attention n’est plus un sujet “communication”.
C’est un enjeu de gouvernance, de santé cognitive, de clarté stratégique.

  • Celui qui structure l’attention crée de l’ordre dans le chaos

  • Celui qui l’oriente volontairement devient un acteur lucide du jeu

  • Celui qui la subit… n’est plus qu’un flux parmi d’autres


*** Mini-glossaire : Les 5 formes d’attention dans l’entreprise
 Typologie stratégique de l’attention

Type d’attention

Description

Exemple organisationnel

Soutenue

Capacité à maintenir un focus stable et profond sur un sujet

Analyse de performance hebdomadaire, closing d’un deal stratégique

Captée

Attention momentanée, provoquée par une alerte ou un signal externe

Notification Slack, alerte KPI ou CRM

Fragmentée

Attention morcelée entre plusieurs tâches ou canaux simultanés

Passage constant entre mails, CRM, WhatsApp, dashboard

Détournée

Attention dirigée sans contrôle, souvent via des biais ou manipulations

Scroll LinkedIn sans objectif, urgences faussement prioritaires

Distribuée (ou collective)

Synchronisation de l’attention entre plusieurs membres pour un objectif commun

Réunion stand-up fluide, projet piloté en attention partagée


-> Comprendre ces formes, c’est construire une organisation qui ne subit pas l’attention… mais qui la pilote, la protège, la synchronise.



Transition : Du filtre humain au filtre algorithmique


Ce que nous avons exploré jusqu’ici, c’est l’attention comme ressource humaine :
limitée, façonnée par nos biais, sollicitée par l’environnement, structurante pour nos choix.

Mais depuis quelques années, un autre acteur s’est invité dans cette économie cognitive :
l’intelligence artificielle.

Elle ne remplace pas notre attention.
Elle l’anticipe, la capture, parfois même la redirige sans nous consulter.

Avec l’IA, l’attention cesse d’être seulement un sujet psychologique ou organisationnel.
Elle devient un enjeu algorithmique, stratégique, éthique.

C’est ce que nous allons explorer maintenant :

Comment l’IA reconfigure l’économie de l’attention et pourquoi cela oblige les entreprises à revoir leurs grilles de décision.


I.3 Ce que l’IA reconfigure dans ce système

L’IA n’a pas seulement changé la façon dont nous produisons l’information.
Elle a changé la façon dont nous décidons à quoi prêter attention.


A/ Une nouvelle architecture invisible : le filtre algorithmique

À l’ère de l’intelligence artificielle générative, l’enjeu n’est plus simplement de produire ou d’accéder à l’information.
C’est de comprendre comment notre attention est filtrée, hiérarchisée, modélisée… sans notre intervention consciente.

Les algorithmes sont devenus les nouveaux gestionnaires de notre disponibilité cognitive :

  • Ils devinent ce qui nous intéresserait

  • Ils prédéterminent ce que nous verrons en premier

  • Ils suppriment ce qui semble marginal ou trop complexe

  • Et surtout, ils répètent ce que nous avons déjà aimé — au risque de rétrécir notre champ mental

Ce n’est plus l’attention humaine qui pilote l’accès au sens.
C’est un filtrage prédictif, calibré sur les modèles de comportement passés.

On ne regarde plus ce qui est important.
On regarde ce que l’algorithme a jugé probable, plaisant, “pertinent”.


B/ La générosité cognitive de l’IA… et ses effets secondaires

L’IA génère, résume, classe, hiérarchise.
C’est une force de production cognitive illimitée.

Mais cette abondance a un effet secondaire majeur :

Elle amplifie le bruit tout autant que la clarté.

Quand l’IA crée 10 variantes de pitch, 50 titres d’article ou 3 résumés d’un rapport…
Elle déplace le problème : ce n’est plus le manque d’options, mais l’incapacité à discerner ce qui mérite l’attention.

Ce n’est plus “quoi dire ?”
C’est “qu’est-ce qui vaut la peine d’être retenu ?”

Ce déplacement n’est pas neutre.
Il favorise :

  • L’immédiateté sur la profondeur

  • L’émotion sur la nuance

  • L’efficacité apparente sur l’impact durable


C/ IA et renversement du pouvoir attentionnel

Traditionnellement, celui qui captait l’attention avait le pouvoir (publicitaire, politique, économique).
Mais avec l’IA, un glissement subtil s’opère :

Ce n’est plus celui qui parle qui gagne…
C’est celui qui configure les filtres.

Les plateformes, les outils IA, les moteurs de recommandation définissent ce qui entre ou non dans le champ mental de milliards d’individus.

Shoshana Zuboff, dans The Age of Surveillance Capitalism, analyse cette transformation comme une captation industrielle de nos trajectoires attentionnelles, monétisées à l’échelle planétaire.

La question n’est plus : “qu’est-ce qui capte mon attention ?”
Mais : “qu’est-ce qui a été programmé pour orienter mon regard… sans que je m’en rende compte ?”


-> Triptyque stratégique : Attention – Intention – Interprétation

Face à cette mutation, le pilotage de l’attention ne peut plus être uniquement quantitatif.
Il doit s’appuyer sur un triptyque stratégique :

Élément

Définition

Risque si négligé

Attention

Ce qui est capté ou ignoré

Invisibilité, dilution de message

Intention

Ce que l’entreprise cherche réellement à produire

Effet d’agitation sans impact réel

Interprétation

Ce que l’audience comprend et retient

Décalage de sens, désalignement stratégique


-> L’IA peut capturer l’attention.
Mais seule l’intention claire et l’interprétation guidée permettent une stratégie durable.


* En synthèse :
  • L’IA n’est pas neutre.
    Elle devient co-productrice de nos biais d’attention.

  • Elle génère… mais ne filtre pas avec discernement.
    Elle classe… mais ne hiérarchise pas selon la stratégie.

  • Elle rend plus nécessaire que jamais une gouvernance consciente de l’attention.

Ce que vous laissez aux algorithmes, ils le feront à leur manière.
Et ce sera rarement la vôtre.

*** Qui contrôle l’attention aujourd’hui ?

-> Ce n’est plus l’émetteur qui dirige l’attention. C’est l’architecture algorithmique qui la distribue.

Acteur traditionnel

Contrôle exercé hier

Nouvelle forme de contrôle à l’ère de l’IA

Le média (journal, TV)

Choisissait les sujets, la une, le traitement

Déclassé : l’IA personnalise à l’échelle individuelle

Le communicant (marque)

Planifiait l’exposition, répétait le message

Submergé : le contenu est noyé dans le flux continu

Le décideur (manager)

Ciblait les messages clés, animait les équipes

Détourné : dashboards, alertes, chatbots = surcharge

L’utilisateur final

Choisissait ce qu’il lisait ou non

Assisté : l’IA propose, suggère, pré-filtre en amont

L’algorithme (IA)

(inexistant hier)

Nouveau roi silencieux : pilote, oriente, invisibilise


 Conclusion :

Celui qui configure les filtres d’attention détient aujourd’hui un pouvoir plus grand que celui qui prend la parole.



Transition : De la stratégie attentionnelle à ses applications concrètes

Ce que nous avons vu jusqu’ici, c’est une transformation profonde, presque tectonique.

L’attention est devenue :

  • une ressource disputée,

  • une fonction gouvernable,

  • et désormais, un levier de différenciation stratégique.

Mais cette mutation ne reste pas théorique.
Elle touche les points vitaux de l’entreprise : vendre, convaincre, fidéliser, investir, décider.

Car si l’attention devient rare… alors toute stratégie mal conçue devient invisible.
Et toute décision prise sans conscience attentionnelle devient fragile.

La question n’est plus “comment mieux communiquer ?”
C’est “comment orchestrer l’attention là où elle crée un effet réel ?”

C’est ce que nous allons explorer dans la suite :
Quels sont les impacts concrets de cette nouvelle économie de l’attention sur les ventes, le marketing, la communication, et l’investissement ?


II.1 Pour les ventes : vers un pilotage de l’attention

Ce n’est pas parce qu’un client a cliqué qu’il a écouté.
Et ce n’est pas parce qu’il a écouté… qu’il a compris.


A/ Le funnel est mort, vive la captation synchronisée

Les modèles classiques de vente B2B reposaient sur une mécanique linéaire :

  1. Attirer (awareness)

  2. Intéresser (interest)

  3. Convaincre (desire)

  4. Convertir (action)

Mais ce modèle suppose une chose devenue fausse :

Que l’attention soit stable, séquentielle, disponible à chaque étape.

Or aujourd’hui, l’attention des prospects est :

  • Fragmentée par la surcharge cognitive

  • Volatile face à des centaines de sollicitations hebdomadaires

  • Filtrée par des IA (emails triés, contenus condensés, notifications gérées)

Le funnel, dans sa version classique, devient un modèle de pipeline illusoire.
On ne “fait pas avancer” un prospect. On synchronise des moments d’attention active. Et cela change tout.


B/ Le vendeur devient un architecte attentionnel

Le rôle du commercial n’est plus seulement de présenter une offre.
C’est de créer les conditions pour qu’un moment d’attention soit possible, utile, et transformable.

Cela implique un changement de posture radical :

  • Penser “quand” avant “quoi” : ne pas envoyer une relance quand la tension mentale est à son comble côté prospect

  • Utiliser les outils CRM non pour automatiser à l’aveugle, mais pour orchestrer intelligemment le bon signal au bon moment

  • Remplacer le script rigide par des repères attentionnels : signaux faibles, questions ouvertes, timing de relance

-> Ce n’est pas la quantité de touches commerciales qui compte,
mais la qualité des moments d’attention générés.


C/  De la relance au signal : repenser les interactions commerciales

Dans une mission récente auprès d’un client, les équipes de vente envoyaient des relances hebdomadaires “classiques” :
“Bonjour, avez-vous eu le temps de lire notre proposition ?”

Mais l’analyse CRM montrait une réalité brutale :

  • Taux d’ouverture correct, mais temps de lecture < 6 secondes

  • Aucun clic sur les éléments différenciants

  • Appels ignorés, car intervenant en pleine plage de reporting hebdo

En testant une approche “micro-captation attentionnelle” :

  • Envoi le lundi matin avec question ouverte + insight métier

  • Suivi non par téléphone, mais via une bulle vidéo contextualisée

  • Relance automatisée seulement après indicateur d’attention réelle (lecture > 30 sec)

Résultats en 1 mois :

  • +38 % de réponses qualifiées

  • +21 % d’ouverture sur les comptes dormants

  • 1 signature débloquée via une 3e relance intelligente… non intrusive


*** Score d’attention > Scoring de lead ?

Les CRM traditionnels classent les leads selon des scores MQL/BANT basés sur des critères démographiques ou comportementaux (clic, ouverture, source).

Mais ces modèles :

  • confondent activité et attention

  • ignorent la qualité du moment capté

  • ne mesurent pas l’intention réelle du prospect

Une approche alternative : créer un Score d’Attention Contextuelle (SAC)

Élément mesuré

Pondération proposée

Temps réel passé sur un contenu clé

3

Taux de scroll ou visionnage complet

2

Interaction manuelle (réponse, commentaire, clic profond)

4

Inactivité > 2 semaines malgré automatisation

-2

Lecture ou partage externe (ex : doc forwardé)

5


-> Ce score n’indique pas une “probabilité d’achat”, mais une qualité d’attention disponible.


* En synthèse

  • Vendre à l’ère de l’IA, ce n’est pas multiplier les messages.

  • C’est créer des micro-espaces où l’attention devient stratégique.

Celui qui sait capter une vraie minute d’attention ciblée
vaut plus que celui qui bombarde 10 emails génériques par semaine.


*** Encadré tactique : 7 questions pour une relance attentionnelle efficace

Avant d’appuyer sur “envoyer”, posez-vous ces questions :

  1. Le bon moment ?
    → Ce créneau respecte-t-il les pics de charge cognitive du prospect ? (évitez les lundis 11h ou vendredis 17h)

  2. Le bon message ?
    → Est-ce une simple relance administrative ou un contenu qui apporte un éclairage ?

  3. Le bon canal ?
    → Suis-je en train d’imposer un canal (email, call) ou de m’aligner sur ses usages préférés ?

  4. Un signal d’attention préalable ?
    → Ai-je vu un clic, une ouverture, un commentaire qui justifie cette reprise de contact ?

  5. Une contextualisation claire ?
    → Ai-je montré que je sais où en est le prospect dans son cheminement (et pas juste dans mon CRM) ?

  6. Une question ouverte ?
    → Est-ce que mon message invite à une réponse, ou bloque tout par sa rigidité ?

  7. Un effet de surcharge ?
    → Cette relance allège-t-elle ou ajoute-t-elle une tâche mentale de plus à un interlocuteur déjà sur-sollicité ?


-> Une bonne relance ne vise pas à “convertir”.
Elle vise à réactiver une attention sincère, disponible, curieuse.


II.2 Pour le marketing et la communication : de la visibilité à la captabilité


Vous êtes peut-être visible. Mais êtes-vous réellement capté ? Et surtout… retenu ?


A/ La fin de l’illusion de la visibilité

Longtemps, le marketing digital a fonctionné sur un mythe :

Être vu = exister.

Mais à l’ère de la saturation cognitive, être vu ne suffit plus :

  • Les contenus défilent sans s’ancrer

  • Les formats se banalisent

  • Les promesses s’échangent plus vite qu’elles ne se lisent

Un post LinkedIn peut faire 30 000 impressions…
et n’entraîner aucun comportement tangible.

-> Nous ne sommes plus dans une économie de l’exposition.
Nous sommes dans une économie de l’attention disponible.


B/ Captabilité > visibilité

La vraie question devient :

Ce que je propose est-il “captable” ?
C’est-à-dire :

  • Facile à distinguer dans le bruit

  • Intuitif à comprendre

  • Suffisamment singulier pour mériter d’être retenu

Dans ce cadre, la “captabilité” repose sur 3 leviers :

Levier

Effet recherché

Exemples

 Clarté cognitive

Être compris en moins de 5 secondes

Une promesse = une phrase

Ancrage narratif

Être associé à une idée-mère forte

Ex. : “l’IA ne pense pas, elle reflète”

Friction stratégique

Créer une pause, un doute fertile, une surprise

Question provocante, visuel inattendu


-> Un contenu “captable” ne cherche pas à plaire.
Il cherche à interrompre intelligemment.


C/ L’IA générative : levier ou illusion ?

Avec l’explosion des outils de génération de contenu (textes, visuels, vidéos), les marketeurs ont accès à une puissance inédite de production.

Mais cette abondance présente un risque majeur :

La reproduction de la médiocrité à l’échelle.

Si tout le monde génère les mêmes posts, les mêmes e-mails, les mêmes visuels Canva…
alors plus personne n’émerge.

* L’IA peut amplifier ta voix. Mais si ta voix est banale, elle amplifie le vide.

Leslie Thiele alerte sur ce point : l’IA, si elle n’est pas encadrée par une stratégie d’intention claire, devient une force de diversion massive.
Elle capte… sans transformer.


D/ Repenser la stratégie de contenu : du push au pull attentionnel

Plutôt que d’envoyer à tout prix, le marketing attentionnel consiste à :

  • Créer des aimants cognitifs : contenus qui éveillent une problématique ou un désir dormant

  • Orchestrer les temps d’attention : relier ton contenu aux rituels attentionnels de tes cibles (ex. : lecture du dimanche, dashboard du lundi)

  • Valoriser le signal faible : s’appuyer sur des comportements ambigus mais révélateurs (scroll incomplet, lecture lente, clic atypique)

-> Ce n’est pas le contenu qui doit faire la preuve.
C’est le système d’attention dans lequel il est inséré.


* Exemples de stratégie “captable” observée en mission

Cas réel d’une PME industrielle avec faible taux d’engagement sur LinkedIn

Problème :

  • Beaucoup de posts techniques, aucun commentaire

  • Aucun rendez-vous généré par la stratégie de contenu

Changement opéré :

  • Passer de “montrer nos produits” à “interroger les problèmes mal posés de nos clients”

  • Création d’un carrousel sobre avec une question inattendue en slide 1

  • Signature par un document à télécharger uniquement via commentaire + DM

Résultat :

  • +300 % d’engagement organique en 2 semaines

  • 17 demandes d’info qualifiées sans publicité

  • 1 contrat signé via une relance automatisée sur les téléchargeurs du PDF

-> Ce qui a changé ?
Pas le canal.
La conception attentionnelle du message.


En synthèse
  • Être visible ne suffit plus.

  • Il faut être capté, compris, différencié, mémorisé.

L’IA générative ne remplacera pas ta stratégie.
Elle en révèlera brutalement les failles… ou la force.

***Encadré tactique : Créer un “aimant attentionnel” efficace

-> Un bon contenu ne dit pas “regardez-moi”,
Il dit “ce que vous vivez mérite d’être requalifié”.

5 ingrédients pour capter intelligemment l’attention

Ingrédient

Objectif cognitif

Exemple

1. Point d’accroche latent

Réveiller une frustration ou une intuition floue

“Pourquoi vos relances commerciales n’aboutissent plus…”

2. Formulation non standard

Créer une micro-friction cognitive

“Et si vos KPI étaient vos pires ennemis ?”

3. Ancrage narratif

Situer le lecteur dans une scène vécue

“Hier, en call avec un prospect en veille depuis 3 mois…”

4. Clarté immédiate

Être compris sans effort

“3 erreurs qui tuent l’attention de vos prospects”

5. Signal de valeur actionnable

Promettre un apprentissage ou une ressource concrète

“PDF gratuit sur les 5 signaux faibles à traquer dans un CRM”



  • Rappel stratégique :


    Un aimant attentionnel ne cherche pas à séduire.
    Il fait écho à un angle mort déjà présent chez ton audience.


II.3 Pour l’investissement et la décision stratégique : gouverner dans le bruit

Le vrai danger n’est pas de manquer d’informations.
C’est de confondre l’agitation avec la clarté.


A/  Un nouveau risque : la surcharge d’attention décisionnelle

Dans le monde de l’investissement et de la stratégie, l’information est partout.
Les dashboards se multiplient.
Les rapports affluent.
Les alertes tombent toutes les 10 minutes.

Mais cette profusion a un coût caché :

L’attention des décideurs devient une ressource diluée, détournée, fatiguée.

* Conséquence ?
Des décisions biaisées non par manque de données… mais par déformation attentionnelle :

  • Trop focalisé sur ce qui est visible

  • Aveugle à ce qui est lent, complexe, ou non quantifiable

  • Prisonnier de la logique “ce qui clignote d’abord” = “ce qui compte le plus”

Shoshana Zuboff parle ici de “captation algorithmique des trajectoires décisionnelles” : ce ne sont plus les objectifs qui guident… mais la configuration du flux d’attention.


B/ Vers un “AND” : Attention Nette Disponible

Face à cela, une métrique émerge comme plus stratégique que la vitesse ou l’agilité :

L’Attention Nette Disponible (AND)

Inspirée de la finance (Free Cash Flow), l’AND pose une question simple :
-> Combien de bande passante attentionnelle reste-t-il, à un instant donné, pour traiter un sujet vraiment stratégique ?

Cela devient un facteur clé pour :

  • Prioriser un investissement

  • Évaluer la capacité d’exécution d’une équipe

  • Challenger le moment d’une prise de décision critique

Une équipe saturée ne manque pas d’intelligence.
Elle manque d’espace mental pour l’exercer.


C/ Décision ≠ volume d’informations

Plus d’info ≠ meilleure décision.
C’est même souvent l’inverse.

Daniel Kahneman le démontrait déjà : face à un excès de signaux contradictoires, le cerveau humain se rabat sur :

  • Les biais de disponibilité (ce qu’il a vu récemment)

  • L’effet d’ancrage (la première info reçue)

  • Les raccourcis émotionnels (ce qui rassure ou choque)

L’IA n’élimine pas ces biais. Elle les structure à grande échelle.

On ne décide plus sur la base de faits.
On décide sur la base de ce que l’on a eu l’attention de remarquer… au bon moment.


D/ Gouvernance attentionnelle des comités stratégiques

Dans les projets de transformation, j’ai souvent vu des comités :

  • noyés sous des présentations sans hiérarchisation

  • paralysés par la peur de “rater une donnée”

  • passant 80 % du temps à naviguer dans le bruit

La solution ne passe pas par “plus de reporting”.
Elle passe par une orchestration stratégique de l’attention collective :

Principe

Application concrète

Épuration du bruit

1 slide = 1 décision attendue

Temporalité claire

3 niveaux de fréquence : urgence, pilotage, arbitrage

Filtre d’utilité

“Que ferons-nous différemment avec cette info ?”

Focus inversé

Commencer par les zones floues ou faibles signaux


-> Une bonne gouvernance n’accumule pas les datas.
Elle sait ce qu’elle veut faire émerger.


En synthèse
  • L’attention est devenue une ressource critique de pilotage stratégique

  • Une organisation peut avoir tous les outils du monde…
    mais si l’attention collective est saturée, aucune décision n’est alignée

  • Le futur des stratégies d’investissement passe par un nouveau critère :
    -> la capacité attentionnelle de l’organisation à absorber, prioriser, exécuter

Investir dans une entreprise incapable de gérer son attention collective,
c’est investir dans un navire… avec une boussole brouillée.

***Encadré tactique — Évaluez votre Score d’Attention Stratégique

Dans votre comité de direction, l’attention est-elle une ressource… ou un angle mort ?

Auto-diagnostic express (score de 0 à 3 par item)

0 = jamais / 1 = rarement / 2 = parfois / 3 = systématiquement

Critère évalué

Score

🔹 Les sujets critiques sont isolés du bruit dans les réunions stratégiques


🔹 Chaque information partagée répond à la question : “Qu’allons-nous en faire ?”


🔹 Les décisions ne sont pas prises dans l’urgence ou sous surcharge mentale


🔹 Les zones floues ou signaux faibles sont remontés et discutés en amont


🔹 Les supports de pilotage mettent en avant les “points d’attention” réels, pas uniquement les KPIs fixes


🔹 Le temps disponible pour penser (vs exécuter) est explicitement protégé


🔹 La surcharge attentionnelle est reconnue comme un risque organisationnel



Total sur 21

  • 0–7 = ⚠️ Attention dispersée, pilotage en surchauffe

  • 8–14 = 🟡 Risque de dilution stratégique

  • 15–21 = ✅ Attention gouvernée, décisions plus claires, plus stables


-> L’efficacité stratégique ne dépend pas de la quantité d’informations disponibles.
Elle dépend de votre capacité à créer de la clarté… au bon moment, chez les bonnes personnes.



Pause stratégique : Ce que l’économie de l’attention change concrètement

-> À l’ère de l’IA et de la saturation cognitive, la question n’est plus “que faisons-nous ?”
Mais “où porte notre attention et que produit-elle ?”


* Dans les ventes
  • Le funnel linéaire est dépassé

  • Le rôle du commercial devient celui d’un chef d’orchestre attentionnel

  • Ce n’est pas la fréquence des relances qui compte… mais leur capacité à créer un moment utile


* Dans le marketing
  • Être visible ne garantit rien : seule la captabilité importe

  • L’IA amplifie le contenu, mais pas le sens

  • Un bon contenu est un aimant attentionnel, pas un bruit bien habillé


* Dans les décisions et l’investissement
  • L’attention devient un indicateur de maturité stratégique

  • Trop d’info = biais de décision + ralentissement d’exécution

  • Il faut piloter non pas le volume de données, mais la qualité du focus collectif


-> Le vrai avantage concurrentiel aujourd’hui, ce n’est pas de savoir plus.
C’est de savoir où porter l’attention et pourquoi.


Synthèse de la partie 2 “Piloter une entreprise, ce n’est plus diriger : c’est orienter l’attention collective.”

Ce que nous avons vu dans la partie précédente est clair :
Dans un monde saturé de données, de contenus et de signaux,

l’organisation qui ne gouverne pas son attention… subit celle des autres.

Que ce soit pour vendre, recruter, innover ou décider, une seule variable structure la performance réelle :
-> Où porte l’attention des équipes, des clients, des décideurs et qu’en font-ils.

Mais ce n’est pas une question individuelle.
Ce n’est pas un “manque de concentration” ou une “urgence de formation LinkedIn”.
C’est une architecture silencieuse qui oriente chaque journée, chaque projet, chaque réunion :

  • Qui capte l’attention ?

  • Qui la distribue ?

  • Qui la dilue ou la protège ?

* Ce qui se joue ici, c’est la gouvernance attentionnelle de l’entreprise.
Un levier de transformation aussi fondamental que la data, le CRM ou la culture.

Il est temps de sortir de la logique “deux cerveaux brillants au sommet”
… pour penser une organisation entière capable d’orienter et de soutenir l’attention là où elle crée de la valeur.

C’est le cœur de notre prochaine section.



III.1 L’attention comme ressource collective

Ce n’est pas l’intelligence individuelle qui manque dans les entreprises.
C’est l’attention partagée qui permet de la faire converger.



A/ L’erreur : croire que l’attention est un effort personnel

Dans de nombreuses organisations, on pense encore l’attention comme :

  • une compétence individuelle (« il manque de focus »)

  • un enjeu de posture (« elle devrait être plus concentrée »)

  • un problème de discipline ou d’outillage

Mais cela repose sur une vision erronée :
 L’attention n’est pas seulement une capacité.
C’est un environnement à construire collectivement.

Elle est :

  • influencée par les flux internes (mails, réunions, urgences fausses)

  • structurée par les outils (CRM, dashboards, Notion, Slack…)

  • orientée par les signaux implicites (ce qui est valorisé, répété, récompensé)

-> Ce n’est donc pas la volonté individuelle qui décide où va l’attention.
C’est l’organisation elle-même — à travers ses routines, ses rituels, ses silences.


B/ L’attention comme infrastructure silencieuse

Une entreprise est un système de circulation d’attention.

Et ce système :

  • Peut être chaotique, avec surcharge et dispersion permanente

  • Peut être hiérarchique, où l’attention suit la parole des plus visibles

  • Peut être structuré, où l’attention se distribue selon la stratégie, la pertinence et le timing

Exemples :

  • Un dashboard surchargé en KPI = une hiérarchisation impossible des priorités

  • Un manager qui répond en priorité aux plus bruyants = distorsion de pilotage

  • Un comité stratégique sans indicateurs d’alignement = attention éclatée

** Dans tous ces cas :
Ce n’est pas le niveau de compétence qui pose problème.
C’est l’absence d’un cadre collectif de pilotage attentionnel.


C/ Concevoir une organisation attentionnellement robuste


Voici les piliers d’une gouvernance de l’attention bien conçue :

Pilier

Exemples concrets

 Clarté intentionnelle

Chaque action, projet ou document commence par un “POUR QUOI” explicite

 Rythmes de focalisation

Plages protégées pour les temps longs vs flux courts (réunions, mail, réflexion)

 Boucles d’alignement

Hebdos courts avec une question centrale : “Où doit porter notre attention cette semaine ?”

Droit à l’inattention

Autorisation explicite à ignorer certains flux (Slack, alertes, dashboards secondaires)

Visibilité des signaux faibles

Espaces de remontée pour ce qui dérange, doute, n’est pas encore mesuré


-> Une organisation attentionnellement robuste,
ce n’est pas une organisation “calme”.
C’est une organisation qui sait où mettre son énergie cognitive collective — et pourquoi.


* En synthèse

  • L’attention n’est pas un muscle individuel à entraîner.
    C’est une ressource stratégique à distribuer, protéger, prioriser.

  • Le rôle du leadership n’est pas de tout voir.
    C’est de créer les conditions pour que les bonnes choses soient vues, au bon moment, par les bonnes personnes.

Une entreprise alignée sur sa stratégie… mais désalignée dans son attention
… est une organisation qui court vite, mais dans toutes les directions à la fois.


*** Encadré tactique : 5 rituels pour piloter l’attention dans l’organisation

Les meilleures décisions ne viennent pas d’un effort individuel de concentration.
Elles naissent de routines collectives qui protègent l’attention utile.


 1. “Point d’attention hebdo” (15 min)

Un rituel d’équipe rapide, orienté impact :

  • “Où devons-nous concentrer notre attention cette semaine ?”

  • “Quel sujet nous prend trop d’énergie pour trop peu de résultat ?”

* Objectif : Recentrer collectivement, détecter les fuites cognitives.


2. “Carte d’attention stratégique” (mensuelle)

Réunir le management autour d’un mapping :

  • Quels sont les 3 sujets qui mobilisent trop de bande passante ?

  • Quels sujets stratégiques restent sous le radar ?

  • Où faut-il déplacer notre focus dans les 30 prochains jours ?

* Objectif : Aligner l’attention sur les objectifs réels, pas sur l’agenda du quotidien.


3. “Revue d’invisibilité” (trimestrielle)

Un rituel rare et puissant :

  • Quels projets / talents / signaux sont passés inaperçus ?

  • Quelle information n’a pas été traitée parce qu’elle ne clignotait pas ?

  • Quels biais d’habitude orientent notre attention à notre insu ?

* Objectif : Rendre visible ce que le système a tendance à ignorer.


4. “Semaine sans surcharge” (1x / trimestre)

Limiter volontairement :

  • Le nombre de réunions internes

  • Les notifications par défaut

  • Les points d’information non actionnables

* Objectif : Recréer de l’attention disponible pour penser, structurer, décider.


5. “1 heure stratégique silencieuse” (hebdomadaire)

Chaque semaine, bloquer une heure :

  • Sans Slack, sans mail, sans réunion

  • Dédiée à l’analyse profonde, à la lecture d’un dossier critique, ou à l’écriture stratégique

* Objectif : Protéger un espace de pensée non morcelée dans des agendas saturés.


-> Les entreprises qui durent ne sont pas celles qui réagissent le plus vite.
Ce sont celles qui savent, chaque semaine, où il ne faut pas disperser leur attention.


III.2 Gouvernance et IA : les risques de la distraction automatisée

Ce que vous automatisez sans intention devient un générateur d’agitation.


A/ IA + automatisation ≠ clarté

Dans de nombreuses organisations, l’intégration de l’IA est abordée sous un seul angle :


-> Accélérer les flux.

  • Générer des contenus plus vite

  • Synthétiser des données en temps réel

  • Multiplier les relances et campagnes automatiques

  • Produire des dashboards instantanés

Mais ce que l’on oublie, c’est ceci :

Accélérer un système désaligné n’améliore pas sa stratégie.
Cela en aggrave les effets secondaires.

* L’IA amplifie ce qui existe déjà.
Elle ne corrige ni le flou, ni la dispersion, ni la confusion.


B/ Quand la technologie devient contre-productive

Exemple : une entreprise avait implémenté :

  • Des dashboards IA pour le board

  • Des relances automatiques via CRM

  • Des alertes Slack dès qu’un lead atteignait un score seuil

Mais sur le terrain :

  • Le taux d’alignement entre équipes était en chute libre

  • Le board était noyé sous les notifications

  • Les commerciaux se débattent dans des priorités contradictoires

Pourquoi ?
Parce que la gouvernance attentionnelle n’a pas suivi.
L’IA a renforcé la vitesse, mais pas la cohérence.

Trop de dashboards, pas assez de cap partagé.
Trop d’alertes, pas assez de signaux interprétés.


*** 3 pièges de la distraction automatisée

Piège

Symptomatique de…

Conséquence stratégique

 Sur-sollicitation algorithmique

Automatisations sans hiérarchie

Fatigue décisionnelle, rejet des outils

Data sans filtre de sens

Dashboards sans intention explicite

Décisions biaisées, perte de repères

Pilotage circulaire

Mesurer pour mesurer

Activisme numérique sans cap réel


Geneviève Bell, anthropologue des technologies, évoque cela comme un “bouclage machine”, où les interfaces créent l’illusion de contrôle… sans produire de vrai discernement.


C/ Reprendre la main sur les flux intelligents

Une IA bien intégrée ne remplace pas la stratégie.
Elle l’exige.

Voici les leviers d’une gouvernance attentionnelle renforcée à l’ère de l’IA :

Levier stratégique

Application concrète

Intention avant automatisation

Toute IA intégrée commence par une question claire : “Quel comportement voulons-nous éclairer ?”

 Boucle humain machine

Chaque automatisation doit pouvoir être désactivée, discutée, améliorée par feedback humain

 Dashboard avec cap narratif

Un tableau de bord stratégique commence par un titre : “Que voulons-nous mieux comprendre ?”

Friction utile intégrée

Empêcher la sur-relance par un seuil d’inactivité stratégique (≠ simplement temporel)


-> L’IA peut être un levier de clarté.
Mais elle n’a aucun pouvoir d’intention.
C’est à l’organisation de lui en fournir une.


En synthèse
  • L’IA ne pense pas pour vous. Elle exécute à grande vitesse ce que vous n’avez pas clarifié.

  • Une gouvernance sans cadre attentionnel… devient un générateur de fatigue stratégique

  • L’enjeu n’est pas de ralentir l’IA. C’est de l’intégrer dans un système humain qui sait où il veut aller

La vraie transformation IA ne commence pas dans le code.
Elle commence dans la façon dont une organisation oriente et protège son attention.

*** Outil d’auto-diagnostic : Audit de vos automatismes attentionnels

“Automatiser sans intention, c’est programmer l’agitation.”
Ce questionnaire vous aide à identifier les zones où vos outils digitaux consomment de l’attention sans produire de valeur stratégique.


Pour chaque item, notez :

✅ Oui — ⚠️ Partiellement — ❌ Non

Question d’audit

Réponse

1. Avez-vous défini une intention claire pour chaque automatisation active ?


2. Vos dashboards commencent-ils par une question stratégique à éclairer ?


3. Vos alertes sont-elles classées par niveau de criticité ou d’impact réel ?


4. Vos équipes peuvent-elles signaler qu’une automatisation est devenue inutile ?


5. Les relances automatiques sont-elles désactivées si aucun signe d’intérêt réel n’émerge ?


6. Avez-vous un rituel mensuel de revue / suppression des automatisations obsolètes ?


7. Les flux IA sont-ils discutés en comité (ex : scoring, priorisation, recommandations) ?


8. Le silence, le doute ou le signal faible ont-ils une place face à l’automatisme ?




Score de lucidité attentionnelle automatisée :

  • 6 à 8 “Oui” → Vous pilotez vos automatismes, pas l’inverse

  • ⚠️ 3 à 5 “Oui” → Votre organisation risque la dérive attentionnelle silencieuse

  • 0 à 2 “Oui” → Vos outils consomment plus d’attention qu’ils n’en libèrent


-> L’automatisation n’est pas un gain…
si elle désorganise ce que votre attention stratégique avait lentement construit.



III.3 Capteurs, ralentisseurs, curateurs : les rôles invisibles d’une stratégie attentionnelle

Et si la performance d’une organisation ne dépendait pas seulement de ceux qui décident…
Mais de ceux qui savent ce qui mérite d’être vu, retenu, ou suspendu ?


Pourquoi il faut penser au-delà de l’organigramme formel

Les organisations traditionnelles valorisent les rôles d’action :

  • Celui qui fait

  • Celui qui dirige

  • Celui qui produit

Mais dans une économie de l’attention, ces rôles ne suffisent plus.

Ce qui devient stratégique, ce sont les fonctions qui orientent l’attention collective :

  • Ce que l’on remarque

  • Ce que l’on oublie

  • Ce que l’on accélère

  • Ce que l’on retarde

-> Ces fonctions existent souvent… mais de manière informelle.
Elles doivent désormais être rendu visibles, protégées, incarnées.


1. Le capteur stratégique

“Ce que l’on n’entend pas… finit par coûter plus cher que ce que l’on écoute.”

Fonction :

  • Détecter les signaux faibles

  • Identifier les frictions émergentes

  • Relever les angles morts non traités dans les reporting classiques

Exemples :

  • Un commercial qui repère une résistance client récurrente non présente dans le CRM

  • Un support qui observe un glissement de langage dans les tickets

  • Un responsable RH qui entend une fatigue croissante sur un projet “prioritaire”

-> À valoriser dans :
Customer success, ventes terrain, support, middle management : toutes les fonctions proches du réel.


2. Le ralentisseur conscient

“Ralentir n’est pas refuser d’avancer.
C’est créer les conditions pour choisir où l’on veut aller.”

Fonction :

  • Protéger des espaces de clarté

  • Poser les bonnes questions quand tout va trop vite

  • Créer de la friction stratégique volontaire

Exemples :

  • “Avons-nous une raison stratégique de faire cela maintenant ?”

  • “Qu’avons-nous appris du dernier cycle avant de relancer le suivant ?”

  • “Pourquoi ne pas attendre un signal de plus avant d’investir ?”

-> À valoriser dans :
Direction stratégique, finance, PMO, experts seniors, conseil interne

* Ces profils sont souvent perçus comme “lents” ou “sceptiques”.
En réalité, ce sont des gardiens de discernement.


3. Le curateur de signaux

“Dans un monde de surproduction d’infos, celui qui filtre avec justesse…
vaut plus que celui qui produit avec excès.”

Fonction :

  • Organiser l’information de manière intelligible

  • Hiérarchiser les flux

  • Mettre en récit ce qui est épars

Exemples :

  • Sélectionner 3 éléments clés dans un dashboard de 80 lignes

  • Produire un résumé stratégique hebdo pour le COMEX

  • Traduire des datas en scénario de décision clair

-> À valoriser dans :
Analystes, intelligence économique, stratège data, chef de projet transverse

* Le curateur ne crée pas. Il orchestre ce qui existe déjà.


4. Pourquoi ces rôles sont clés

Rôle

Risque s’il est absent

Opportunité s’il est assumé

Capteur

Angle mort stratégique

Réactivité précoce, ajustement fin

Ralentisseur

Activisme non priorisé

Clarté dans le tempo, lucidité collective

Curateur

Surcharge cognitive

Décisions mieux éclairées, alignement renforcé



* En synthèse

  • Ces rôles ne s’ajoutent pas à l’organigramme.
    Ils traversent l’organisation.

  • Ils ne ralentissent pas la performance.
    Ils protègent ce qui lui donne du sens.

Dans l’économie de l’attention,
la stratégie se joue aussi dans les coulisses du visible.



***Encadré stratégique : Les 3 réflexes attentionnels des organisations qui durent

Dans un monde saturé de contenus, de KPIs et de signaux, ce ne sont pas les plus agiles qui tiennent.
Ce sont ceux qui savent piloter leur attention collective.


1. Réflexe de clarification

“À quoi devons-nous vraiment prêter attention maintenant ?”

  • Traduire chaque projet, reporting, ou outil en intention stratégique claire

  • Interdire les automatisations sans cap

  • Redonner sa place au “pourquoi maintenant” avant le “comment faire”


2. Réflexe de sélection

“Tout ne peut pas être prioritaire. Ce que nous choisissons d’ignorer vaut autant que ce que nous mettons en avant.”

  • Hiérarchiser les décisions, les flux, les alertes

  • Instituer un droit à l’inattention

  • Concevoir des tableaux de bord narratifs, pas seulement quantitatifs


3. Réflexe d’orchestration

“Ce n’est pas la somme des intelligences qui fait la stratégie. C’est leur synchronisation.”

  • Créer des rituels de convergence attentionnelle (hebdo, mensuel, trimestriel)

  • Valoriser les rôles invisibles : capteurs, ralentisseurs, curateurs

  • Concevoir des boucles IA ↔ humain qui éclairent au lieu de submerger


-> Piloter l’attention n’est pas un luxe.
C’est la nouvelle forme de lucidité stratégique.


Conclusion : L’attention, levier stratégique d’un monde saturé

“Dans l’économie de l’attention, il ne s’agit plus de savoir si l’on a raison.
Mais de savoir si l’on est encore audible, compréhensible, et crédible… quand tout le monde parle.”


Nous avons cru, un temps, que l’information serait la clé.
Que la transparence, la donnée, les outils automatisés allaient suffire à structurer nos décisions, nos ventes, nos relations.

Mais ce que l’IA révèle aujourd’hui, ce n’est pas un excès de complexité.
C’est un déficit de clarté.

-> Ce que nous manquons n’est pas de contenu, de moyens ou de puissance.
Ce que nous manquons, c’est d’attention orientée avec discernement.


A/ Piloter dans le brouillard, ou piloter dans la conscience ?

Dans un monde de saturation cognitive :

  • L’entreprise qui ne pilote pas son attention… subit celle des autres

  • Le décideur qui n’organise pas ses filtres… voit sans comprendre

  • L’équipe qui n’explicite pas ses intentions… se disperse sans le savoir

Ce n’est pas une crise technique.
C’est une crise de sens distribué.


B/ Ce que cela implique
  • Mettre en place une gouvernance attentionnelle explicite

  • Valoriser les rôles qui structurent le discernement : curateurs, ralentisseurs, capteurs

  • Concevoir chaque outil, projet ou automatisation comme un instrument d’orientation cognitive, et non comme un canal de production


C/ Une nouvelle forme de stratégie

Piloter l’attention, ce n’est pas manipuler.
C’est :

  • Créer des conditions de clarté

  • Protéger les signaux faibles

  • Savoir où il est légitime d’investir notre bande passante collective

C’est accepter qu’à l’ère de l’IA, l’entreprise qui dure ne sera pas celle qui produit le plus…
Mais celle qui sait encore écouter, orienter, ralentir et décider.

De même, la patience en période de sur-stimulation devient une vertu cardinale.

-> Car ce n’est pas en ajoutant du bruit que l’on construit une vision.
C’est en maîtrisant ce que l’on choisit de voir… et ce que l’on accepte de laisser passer.


Bibliographie & ressources complémentaires
Fondamentaux théoriques
  • Herbert SimonDesigning Organizations for an Information-Rich World (1971)
    ➤ Texte fondateur sur la rareté de l’attention dans un monde d’abondance informationnelle.

  • Michael H. GoldhaberThe Attention Economy and the Net (1997)
    ➤ Vision pionnière de l’attention comme monnaie centrale de l’économie numérique.

  • Thomas H. Davenport & John C. BeckThe Attention Economy: Understanding the New Currency of Business (2001)
    ➤ Approche managériale et structurée de l’attention comme levier de pilotage.

  • Edgar MorinLa Méthode (tomes 1 à 6)
    ➤ Pour penser les systèmes complexes, les dynamiques de perception, et la saturation mentale.

  • Geneviève BellTaming the Tech Frontier (lectures et conférences 2018–2023)
    ➤ Anthropologie de la technologie et gouvernance des environnements cognitifs.


Approches critiques & systémiques
  • Shoshana ZuboffThe Age of Surveillance Capitalism (2019)
    ➤ Analyse des dynamiques de captation attentionnelle par les plateformes numériques.

  • Leslie Paul ThieleSustainability in the Attention Economy (2020)
    ➤ Comment la gouvernance et la durabilité sont impactées par l’économie de l’attention.

  • Tiziana TerranovaFree Labor: Producing Culture for the Digital Economy (2000)
    ➤ Analyse des formes de travail attentionnel invisibles dans les structures numériques.

  • Franck Michel & Fabien GandonMarché de l’attention, régulations et souveraineté cognitive (2023)
    ➤ Réflexion française sur les enjeux sociétaux et stratégiques de l’attention.


Outils & lectures appliquées


Conférences & formats audiovisuels
  • Olivier HamantLa robustesse face à la performance ? (UBS, 2025)
    ➤ Une vision systémique de la robustesse applicable à l’attention collective.



  • Donella MeadowsLeverage Points: Places to Intervene in a System
    ➤ Grille d’analyse pour savoir où agir avec peu pour transformer beaucoup.
    [PDF et vidéo disponibles en ligne]



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