
14 févr. 2025
🟦 L’IA ne menace pas vos équipes. Mais votre silence, oui.
Pourquoi former est devenu un acte de gouvernance stratégique.
Par Patrice Giardino – Consultant en stratégie, Revenue Operations & transformation IA
En entreprise, l’Intelligence Artificielle est désormais partout : dans les outils CRM, les fonctions de support, les logiciels d’analyse, les moteurs de recommandation.
Mais un phénomène bien plus silencieux se répand avec elle :
la peur.
Peur de devenir inutile.
Peur de ne pas comprendre.
Peur de ne pas suivre.
Cette peur, la technologie ne l’entretient pas.
C’est l’absence de discours autour d’elle qui l’alimente.

Le non-dit organisationnel
Dans beaucoup d’organisations, l’IA est évoquée comme un “sujet d’avenir”, un “investissement prioritaire”, une “opportunité stratégique”.
Mais sur le terrain, les équipes sont rarement formées. Parfois même, elles ne sont pas informées.
Conséquence : l’IA devient un objet de spéculation anxieuse, un horizon flou qui excite ou inquiète… mais ne se traduit par rien de concret.
L’acculturation n’est pas un luxe. C’est une nécessité de gouvernance.
Parce qu’un outil non compris devient rapidement un facteur de tension, pas de productivité.
Le vrai risque : un écart croissant entre décideurs et opérationnels
Lorsque seuls les COMEX, les DAF ou les directions innovation maîtrisent les enjeux IA, un fossé se creuse :
D’un côté, des choix techniques ou stratégiques pris en haut lieu
De l’autre, des équipes qui subissent des outils qu’elles ne maîtrisent pas
C’est la reproduction parfaite d’un modèle descendant, où l’on implémente sans co-construire, où l’on outille sans expliquer.
Or, comme l’écrivait Ivan Illich, “l’outil n’est pas neutre : il façonne celui qui s’en sert autant qu’il produit ce qu’on attend de lui.”
Former, ce n’est pas évangéliser
Dans les missions que j’ai menées, les formations IA les plus efficaces sont celles qui ne commencent ni par l’outil, ni par la technologie.
Elles commencent par une question simple : “Que souhaitez-vous mieux comprendre ou mieux décider ?”
Parce que l’enjeu n’est pas de “savoir coder une IA”,
mais de comprendre ce que l’on peut lui demander, ce que l’on ne doit pas lui déléguer, et comment l’interroger intelligemment.
Former, c’est :
Rendre les collaborateurs capables d’exercer un jugement sur les résultats d’un modèle
Expliquer les biais, les limites, les implications concrètes
Partager des cas d’usage concrets dans leur propre environnement

L’IA comme langage : une alphabétisation à organiser
Il serait inconcevable aujourd’hui d’intégrer un collaborateur sans lui transmettre une culture digitale de base : mails, CRM, gestion de projet.
À très court terme, l’IA rejoindra cette base de compétences.
Comme le soulignait Bernard Stiegler, “l’ignorance organisée est une forme de dépossession.”
Ne pas former, c’est laisser les collaborateurs dans une position de dépendance.
Et cela revient, pour l’entreprise, à saboter son propre potentiel.
Former, c’est piloter
Ne rien dire, c’est laisser les fantasmes s’installer.
Ne pas former, c’est accepter que seuls quelques-uns puissent agir.
Ne pas structurer l’apprentissage, c’est renoncer à un pilotage collectif.
À l’inverse, former, c’est gouverner.
C’est affirmer que l’IA n’est pas une menace, mais un levier — à condition d’en maîtriser les règles, les usages, les limites.
Et surtout, c’est reconnaître que la transformation IA n’est pas un virage technologique,
mais une montée en compétence progressive, collective, exigeante.
Conclusion
Vous ne pouvez pas exiger de vos équipes qu’elles s’adaptent à des outils qu’elles ne comprennent pas.
Vous ne pouvez pas attendre de vos managers qu’ils pilotent des projets IA sans grille de lecture partagée.
Former, c’est le premier acte stratégique à l’ère de l’IA.
Pas pour être “à la page”.
Mais pour que chaque personne concernée ait le droit, la capacité et les moyens de participer à la transformation, et pas simplement de la subir.

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